Des centaines de milliers de curieux visitent chaque année le « Palais idéal » du Facteur Cheval dans le sud-est de la France. La compagnie belge de théâtre itinérant, Les Baladins du Miroir, a eu envie de raconter l’histoire incroyable d’un homme « ordinaire ». « Soudain la pierre » est une œuvre inclassable, naviguant entre les mots, les corps, la fragilité du décor en bois, des masques, des onomatopées et la musique… Après une première française au Festival des Francophonies à Limoges, elle poursuit sa tournée sous chapiteaux en Belgique. Entretien avec la comédienne, coautrice et metteuse en scène Geneviève Knoops.
RFI : Ferdinand Cheval avait 43 ans, lorsqu’il bute, en 1879, lors de sa tournée quotidienne en tant que facteur, sur une pierre bizarre qui déclenche chez lui l’envie irrépressible de bâtir, à mains nues, un palais grandiose unique au monde. Votre compagnie belge de théâtre itinérant, Les Baladins du miroir, existe depuis 44 ans. À quel moment l’histoire du facteur Cheval vous a-t-elle percuté ?
Geneviève Knoops : C’était un soir, juste avant la fermeture des commerces et des restaurants en Belgique, au moment du Covid. Ma grande amie Line Adam, devenue la compositrice du spectacle, me dit qu’elle a vraiment envie de monter un spectacle très musical. J’ai tout de suite pensé à l’histoire du Facteur Cheval. Ensuite, c’est devenu une écriture collective.
Qu’est-ce qui vous a intrigué le plus chez le Facteur Cheval ?
J’étais attirée intuitivement par cette histoire, par ce personnage qui, coûte que coûte, a changé sa vie avec le peu de choses qu’il avait à sa portée. Et il n’a jamais abandonné ce rêve. C’est ce moment où il tombe sur sa pierre d’achoppement, il prend sa vie en main et il y a ce tournant incroyable, avec toute cette énergie mise dans ce palais, visité jusqu’à aujourd’hui par des centaines de milliers de gens. À la fin, Cheval dit : « J’ai tout bravé, même la mort ». Car il reste dans l’éternité à travers son âme qu’il a mise dans sa création. Mais, au départ, il n’était pas artiste. C’est quelqu’un qui a fait quelque chose avec une pulsion très forte, un désir très fort. Ça m’a épaté.
Souvent, le Facteur Cheval est présenté comme un génie, un héros. Dans votre mise en scène, il reste surtout un homme « ordinaire », quelqu’un qui est devenu très tôt orphelin, qui a souffert de la mort de sa fille et de sa femme. Un facteur qu’on accompagne pendant ses tournées.
Je pense que tous les hommes – et tous les artistes – sont des gens ordinaires. Tout le monde a sa manière très intime d’entrer dans la création. Ça peut arriver à n’importe qui, ce n’est pas un privilège, c’est un moment. Moi je crois à la vocation. Et puis d’y aller et d’y mettre toutes ses forces.
Dans le célèbre Palais idéal construit en 30 ans par le Facteur Cheval à Hauterives, une petite commune dans le sud-est de la France, l’élément clé est la pierre. Quel est l’élément clé de votre « Palais théâtral » du Palais idéal ?
La pierre est un peu l’élément déclencheur, mais ce qui est très symbolique, c’est justement que toutes les pierres se mettent ensemble. Comme dans une cathédrale où les pierres ont traversé les temps. La pierre ne meurt pas, c’est infini. [Le poète] Henri Gougaud disait que les cailloux font de très longs rêves. Une pierre a traversé la nuit des temps, elle était là longtemps avant nous. À travers son palais, le facteur Cheval a créé un mini monde, sans jamais partir de son pays, un monde universel où il voulait rassembler les gens.
Avant le spectacle, vous avez distribué aux spectateurs une carte postale à l’ancienne montrant l’« Entrée d’un palais imaginaire ».
Nous distribuons cette petite carte avant le spectacle pour que les spectateurs se rendent compte qu’il s’agit d’un vrai palais et d’une vraie personne. Certains spectateurs, quand ils débarquent, ils ne savent même pas de quoi on parle vraiment. Avec la carte postale, on peut situer le spectacle de façon ludique, sans devoir lire le programme. Pour moi, le rôle du théâtre est de passer un moment où on sort de la réalité. C’est une chose assez poétique, une part de rêve, parce que ce n’est pas toujours évident de rêver…
Votre pièce comporte-t-elle une démarche francophone ?
Bien évidemment, le sujet est français, mais on parle aussi d’autres artistes d’art brut. J’ai beaucoup cherché dans les dictons : « Qui veut un cheval sans défaut doit aller à pied ». J’ai repris aussi des expressions « populaires », des chansons. J’ai puisé dans la poésie française, chez Victor Hugo, chez Colette… Le spectacle est un entrelacs de la musique, des images, des écritures, des improvisations de comédiens, réécrit avec ma collègue Charlotte Moors. Une écriture de la danse, des mots, des corps, de la musique…et le tout ensemble.
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